Le numérique, et les technologies mobiles en particulier, ont profondément transformé nos usages et nos comportements, en bien comme en mal. Si notre capacité à faire plusieurs choses à la fois s'est considérablement accrue, notre capacité d'attention, elle, a atteint le seuil inquiétant de 8 secondes, soit une seconde de moins qu'un poisson rouge. Capter cette attention est devenu un enjeu crucial, notamment en ce qui concerne l'apprentissage.
Évolution des usages... et des usagers
La formation, notamment la formation professionnelle, se heurte tout particulièrement à ce nouveau défi : aujourd'hui, 80% de ce qui est appris est oublié en un mois, 15 % seulement des compétences acquises sont appliquées avec succès. De plus, une compétence devient aujourd'hui obsolète en l'espace de 2 à 5 ans. Comment bien former dans ces conditions ?
Du côté des formateurs, l'explosion du nombre d'outils et de plateformes, l'évolution très (trop ?) rapide des contenus, ou encore l'infobésité causent de nombreuses difficultés. Du côté des apprenants, la sur-sollicitation au quotidien (informations, mails) et un manque de temps chronique ont miné la rétention des connaissances. Un nouveau challenge se profile également à l'horizon : celui de la génération Y, élevée avec le numérique, qui constituera bientôt 70% des employés en entreprise : comment mobiliser et faire monter en compétence cette nouvelle génération de travailleurs ?
Le micro-learning, un début de réponse ?
Depuis de nombreuses années, le microlearning (aussi appelé micro-apprentissage) cherche à répondre à ces préoccupations. Si cette tendance a, par le passé, eu des appellations très différentes (grain pédagogique, learning object, reusable learning object, nano-learning...), elles recouvraient toutes le même objectif : faciliter l'acquisition des savoirs en le rendant le plus digeste possible.
Les outils permettant de faire du microlearning sont aujourd'hui arrivés à maturité. Loin d'un modèle unique, ils peuvent prendre de multiples formes : micro-jeux, quiz, podcasts, présentations multimédias, textes limités à 140 caractères diffusés sur les réseaux sociaux... Dans un contexte où le mobile est en passe de devenir la principale plateforme utilisée, les applications ont la part belle. On peut par exemple citer Primer de Google pour le marketing, les flashcards de Cheggs, l'application de microlearning pour la programmation Lrn ou encore Duolingo, pour les langues. On peut aussi citer Snappico, un wikipédia sous forme de mini-cartes quotidiennes ou encore la plateforme Axonify, qui propose des contenus gamifiés de 3 à 5 minutes. Les initiatives ne manquent pas car le sujet inspire.
La vidéo aussi a sa place. Des start-ups, telles que Grovo, en ont fait leur spécialité, avec des vidéos ne dépassant pas 144 secondes : l'entreprise a récemment levé 40 millions de dollars, preuve du fort engouement qui existe aujourd'hui sur le sujet. Cependant, la vidéo, tout comme l'accès via internet, ne sont pas des prérequis du microlearning, qui se doit d'être disponible non plus ASAP (As Soon As Possible) mais ATAWADAC (Any Time Any Where Any Device Any Content). Google a ainsi distingué plus de 30 formats différents possibles pour le microlearning : l'essentiel est que le message soit retenu.
Du côté des cours en ligne, les MOOCs se heurtent eux aussi aux problématiques de rétention d'informations, d'accès mobile et de longueur des contenus. La recherche a souligné, il a quelques années déjà, l'importance de faire court : en 2013, la préconisation était de ne pas dépasser 6 minutes par vidéo. La durée-même des MOOCs semble décroître : sur la plateforme anglaise FutureLearn, on trouve de plus en plus de MOOCs de deux ou trois semaines (exemple) ; la plateforme de MOOC Aquent Gymnasium est récemment allée encore plus loin en proposant des MOOCs d'une durée totale d'une heure, les GymShorts. On reste encore loin d'un savoir "micro", mais la tendance est bien là.
Malgré la grande richesse des initiatives et les nombreuses possibilités d'innovation qu'il permet, le microlearning soulève encore de nombreuses questions : quelle forme privilégier pour les contenus ? Quelle est la taille optimale d'un objet pédagogique ? Le microlearning aura-t-il un impact positif ou négatif sur les capacités de mémorisation ? Et surtout, l'essentiel est-il suffisant pour apprendre ?
Et la recherche dans tout ça ?
Les chercheurs ont investi le champ du microlearning, et ce depuis de nombreuses années. Il faudra encore un peu de temps avant d'arriver à déterminer sa valeur ajoutée pour l'apprentissage. Le sujet recouvre des thématiques nombreuses et on peut, par exemple, citer :
• les travaux de Theo Hug (MIT) pour la dimension pédagogique,
• les recherches de Microsoft sur les aspects mobiles : MemReflex: Adaptive Flashcards for Mobile Microlearning, MicroMandarin: Mobile Language Learning in Context
• pour les aspects réseaux sociaux, les travaux de Gesa Kovacs, doctorant à Stanford
• des recherches sur les questions d' intéropérabilité, d'e-santé, de blended learning et bien d'autres sujets encore.
Le microlearning revient régulièrement dans les bouches des spécialistes car il répond à des préoccupations fortes qui se sont amplifiées avec l'arrivée du numérique dans nos usages. Mais les interrogations quant à son utilisation demeurent et il n'y a pas consensus quant à la forme qu'il doit prendre. Sans doute est-ce pour le mieux ? Dans un monde où les façons et les moyens d'apprendre diffèrent d'individu en individu, et où le temps manque, l'adaptabilité des formations aux besoins et impératifs des employés est la clé.